Projet ERASMUS + “Footprints and routes of the intangible cultural heritage » à l’école Alice Delacroix

 

Le projet « manouba »

Durant les deux années scolaires passées, un intérêt particulier s’est développé autour d’un instrument inconnu de la plupart des guadeloupéens, le manouba. L’équipe pédagogique et les élèves de l’école du bourg de Petit-Canal l’ont découvert grâce au musicien professionnel Serge Tamas qui s’est déplacé pour accompagner cette école dans son exploitation : la production de textes, et l’accompagnement musical de chants, de poèmes, de slams, de saynettes et de contes. Les aspects techniques de l’instrument ont été aussi abordés grâce à la fabrication d’un manouba par le musicien.

L’équipe de l’école de Sainte-Geneviève a découvert l’instrument lors de la troisième visite en Guadeloupe de Serge Tamas. L’enregistrement de documents sonores a été réalisé. Ce projet a été présenté aux partenaires européens à travers la mise en scène du conte du patrimoine « Tou a Man Koko ».

Nous partageons avec vous des extraits du journal scolaire réalisé par les enseignantes et les élèves du cycle 3 qui est disponible, à la demande.

Viviane Gustave, Cheffe de projet, EMF Petit Canal

 

Restitution des interviews de Serge TAMAS

Questions des élèves des classes de CM1 a et b (Mmes GUSTAVE et GRAVELOT)

 

Quel est votre instrument préféré ?

Au départ, c’était le piano. Maintenant c’est la guitare, à cause de tout le travail que j’ai accompli dessus.

Est-ce que vos parents savaient jouer du manouba ?

Non, ils ne connaissaient pas l’instrument.

Qui vous a appris à jouer du manouba?

Personne. Mon père jouait du violon, et mon frère ainé de la guitare basse. Je me suis amusé avec une guitare et j’ai découvert moi-même les choses. Au début j’étais autodidacte, avant d’aller au conservatoire de musique à Paris.

Comment êtes-vous devenu musicien ?

Je le suis devenu sans m’en rendre compte. J’avais déjà 27 ans quand j’ai pris la décision d’abandonner les autres métiers pour me consacrer exclusivement à la musique. Je suis alors devenu musicien professionnel.

Vous jouez dans plusieurs pays ?

Oui. En Europe, en Afrique, en Amérique… je joue surtout en Europe. Je peux citer la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, la Suisse, la Pologne… la Guyane, La Nouvelle-Calédonie, Cuba…

En quelle année le manouba a-t-il été créé ?

On ne connait pas vraiment l’origine du manouba, mais on est sûr qu’il existe depuis plus d’un siècle.

Où avez-vous découvert le manouba ?

C’était en France, il appartenait à Mimi Barthélémy, la conteuse haïtienne que j’accompagnais. Nous sommes partis au Mali avec, et le manouba s’est perdu au cours du voyage retour. J’ai dû alors fabriquer le mien pour aller jouer au festival d’Avignon en 1996.

Vous avez fabriqué votre manouba ?

Oui, je l’ai fabriqué moi-même parce que c’est un instrument qu’on ne trouve pas dans le commerce.

Qu’est-ce que votre manouba a de particulier ?

Il a cinq lames et on peut taper dessus, c’est aussi une percussion. Le manouba traditionnel n’est pas bien accordé. C’est pour cela qu’il n’a pas eu de succès. Pour pallier à cet inconvénient, j’ai ajouté des clés de serrage, une pour chaque lame. Elles me permettent d’accorder l’instrument. Mon manouba est unique car j’ai choisi ses dimensions. Ses notes sont justes car je peux accorder mon instrument; et c’est une percussion de qualité.

Comment l’avez-vous fabriqué ?

Je l’ai fabriqué avec le souvenir de sa taille. Comme je l’ai pratiqué longtemps, je me suis souvenu de sa largeur, de sa hauteur, et de son épaisseur. Je me suis aussi souvenu qu’il y avait une ouverture en demi-lune à peu près au centre, et des trois lames.

Ce que j’ai apporté, c’est d’ajouter deux lames pour en avoir cinq qui correspond à une gamme pentatonique. Avec mes connaissances en menuiserie, pour une fabrication collé-vissé, au lieu de la fabrication d’origine qui est clouée. J’ai aussi choisi un bois moins épais pour faire de mon instrument en plus d’une basse, une percussion.

Depuis combien d’années jouez-vous de cet instrument ?

Depuis 30 ans. Au fil des années, il est devenu ma percussion préférée.

Qui vous a appris à jouer du manouba ?

J’ai appris seul, en essayant. Quand je l’ai découvert pour la première fois, je n’avais jamais vu personne en jouer.

Comment avez-vous appris à jouer du manouba ?

Tout naturellement, en appuyant sur les lames. On améliore sa technique en appliquant un motif rythmique aux lames.

Comment jouez-vous de cet instrument ?

Je peux appuyer avec mes pouces pour obtenir un son de basse ou avec le bout des autres doigts pour obtenir un son plus aigu, taper sur la caisse qui sert aussi de siège, ou sur les lames.

Comment faites-vous pour avoir les bonnes notes ?

J’accorde mon instrument très grave de manière à avoir un accord atonal, c’est-à-dire indéfinissable. On ne peut presque pas savoir de quelle note il s’agit.

Pourquoi jouez-vous de deux instruments et pas d’un seul ?

La guitare ne permet pas de faire comme le manouba les notes très graves, ni un son de percussions. On ne peut pas taper très fort sur une guitare. On ne peut pas faire avec le manouba les accords ni les mélodies comme sur une guitare, car le nombre de notes est limité.

L’un complète l’autre. Il m’arrive même de jouer des deux instruments en même temps.

Dessin du manouba

 

assemblage manouba

 

 

Vous produisez-vous souvent en Guadeloupe ? Dans quels types de prestations ?

Je suis souvent venu en Guadeloupe avec le manouba, dans les médiathèques, sans savoir que c’était un axe précurseur du retour du manouba.  En 2001 j’ai fait la tournée avec Mimi Barthélémy, à l’Artchipel, devant une foule d’enfants qui ont vu le manouba…  J’ai souvent joué au festival de théâtre des Abymes… au centre des arts, …

Comment faites-vous la promotion du manouba ?

J’ai fait la promotion de l’instrument de manière indirecte, sans l’associer à la Guadeloupe. J’ai su plus tard par un ami que cet instrument avait existé en Guadeloupe, notamment à Pointe Noire. On me demandait le nom de l’instrument, et je répondais innocemment que ça venait d’Haïti.

En Europe, l’instrument a toujours intrigué.

Je n’allais pas spécialement pour le manouba, mais je l’utilisais.

Avez-vous accompagné d’autres projets dans des écoles d’ici ou d’ailleurs ?

Oui, j’ai montré cet instrument sans le savoir dans toute la Guadeloupe, il y a 18 ans déjà, en tournée avec l’Artchipel, pendant un mois.

 

Merci, Monsieur Tamas, d’avoir répondu à nos questions.

 

Quelques clichés: